Les Derniers jours du Condor, de James Grady
« Un agent secret américain chauve égorgé, aux yeux arrachés, gît crucifié avec tes couteaux au-dessus de ta cheminée. Tu es dans la merde. »
Quarante années après ses débuts tonitruants dans l’écriture avec Les Six jours du condor (1974), un roman d’espionnage sur les coulisses du pouvoir à Washington, James Grady propose à ce même Condor de vivre ses derniers jours. Enfin, « ce même Condor » est un peu exagéré. Il s’agit d’un nom de code, et l’agent initial a été depuis remplacé par un homme qui aujourd’hui frise la soixantaine, et qui est sous camisole chimique et surveillance d’une agence gouvernementale, sorte d’excroissance vaporeuse de la CIA. La surveillance a fait des progrès, et l’on est loin des micros disséminés ici et là. Les caméras ont envahi la ville. Les GPS des téléphones portables permettent de vous suivre à la trace. Seule constante, les appartements sont régulièrement visités et les méthodes à l’ancienne pour s’en assurer ont la vie dure (un cheveu collé sur une porte fermée par exemple). Le problème pour Condor c’est que « Quelqu’un a pénétré le système et cherche à lui faire endosser un crime qu’il n’a pas commis. » Dans cette haletante course contre la montre, Vin alias Condor va pouvoir compter sur l’agent Faye et sur une rencontre amoureuse pour contrecarrer le plan binaire de la V (comment ne pas y voir un rappel à la fameuse 5e colonne ?). Cette agence en dehors des radars qui envoie des tueurs éliminer des dangers potentiels pour les États-Unis d’Amérique a été créée au lendemain des attentats du 11-Septembre. Pour Condor, la recherche des commanditaires dans une paranoïa grandissante est assortie d’une plongée dans sa mémoire délivrée du joug des médicaments. La vérité a un prix, et ce prix va être très élevé. Avec son sens du rythme et son talent à générer des situations tendues, froides et paranoïaques, James Grady nous emmène à cent à l’heure dans la métropole américaine de Washington, centre névralgique du pays, avec des tueurs chevronnés aux trousses qui semblent toujours avoir une foulée d’avance. Si son héros est à la recherche de la vérité, l’auteur nous assène que cette même vérité est sans cesse dénaturée, et que le moindre fait divers narré dans un journal ou sur Internet est peut-être un règlement de compte entre espions qui dépasse notre entendement. Angoissant !
Les Derniers jours du Condor (Last Days of The Condor, 2015), de James Grady (Rivages, « Rivages-Noir » n°1027. Traduit de l’anglais américain par Hubert Tézenas. 334 p. – 9,00 €.)